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Le mardi je rouille mon armure

Mardi 1er octobre 2013

Tous les mardis, je vais chez le psy pour une séance de 30 mn. Tous les mardis j'arrive plus tard au bureau. Tous les mardis j'ai les yeux mouillés, ou presque. Tous les mardis mon armure se rouille.

En psychanalyse, ce qui importe le plus, ce sont les LIENS. En effet, les mots qui sortent de moi, les anecdotes sont toujours les mêmes. Avec la première psy en 2007, puis le 2è en 2011, nous avons retourné cela dans tous les sens, cherché des réponses, tenté des scénarios. Mais il n'y a pas eu de résultat, enfin surtout avec le 2è.

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Avec celui de Rennes, le moins loquace de tous, je ressers mes histoires. Sauf qu'avec lui, les LIENS se font tout seuls. En fait, sa méthode, c'est de me laisser parler, beaucoup. Il est très concentré car d'une séance sur l'autre, il se souvient précisément de mon histoire. Puis, il revient toujours à la MERE. En fait, tout ce que je lui raconte découle finalement de mon rapport à elle. Je parle, je parle, puis d'une idée à l'autre, c'est finalement moi-même qui fais le lien et qui découvre les raisons profondes de mes noeuds. Comme si tous les liens que nous tissons avec l'Autre dans la vie ne sont que des dérivés du lien originel avec ma Mère.

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C'est à cette occasion que je découvre que, moi si pétrie d'authenticité et de franc-parler, je me mens à moi-même

Avant, je ne me parlais pas. La vie coulait doucement et naturellement. Puis des difficultés sont apparues dans ma vie, de très grosses. Elles m'ont poussée à réfléchir sur moi, sur ma vie, sur La Vie. Elles m'ont amenée à vouloir être vraie, sincère et authentique. Je déteste le mensonge intentionnel. Depuis que j'ai abordé la question du "bénéfice secondaire" en psychanalyse, je me suis rendue compte que l'être humain pouvait s'envelopper de voiles et se mentir sans le savoir. Par exemple, j'avais dit à ma 1ère psy que j'étais victime de violences psychologiques de la part de mon mari. Elle m'a demandé pourquoi je n'avais jamais pris la décision de le quitter. Elle a évoqué le "bénéfice secondaire" que j'avais de pouvoir me faire plaindre. J'ai trouvé cela horrible et très cynique.

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Alors cela m'a fait réfléchir sur le fait de partir.  Récemment, j'ai souvent évoqué avec le psy que je ne ressentais plus de colère ou de haine ni pour PN qui a été mon pire ennemi, ni pour ma défunte grand-mère qui a été le premier tyran que j'ai connu dans ma vie, ni pour ma mère pour la différence qu'elle faisait entre mes frère et soeurs et moi. PN, parce que c'est une pathologie, ma grand-mère parce qu'elle était hystérique et ma mère, parce qu'elle est une femme qui a des circonstances atténuantes, elle a elle-même eu une vie difficile en plus d'une éducation stricte aux principes archaïques.

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J'avais raconté que je je trouvais ma mère injuste dans sa relation avec ses enfants. Ce sont des broutilles. Par exemple - désolée les frangins qui me lisez, ce n'est pas contre vous, vous le savez bien - quand ma soeur lui fait des courses, elle lui rembourse, alors que quand je lui en fais - c'est un petit sac, pas un caddie - elle me dit merci et ne me rembourse pas. Une fois elle était au téléphone avec moi, puis elle a eu un double appel. "C'est ton frère, je raccroche, je le prends." J'étais au milieu d'une phrase ou d'une histoire. Elle ne m'a pas rappelée. Une autre fois, je lui racontais les actualités de mes enfants, comme nous étions partis depuis 6 mois. Elle m'écoute à peine et me raconte les prouesses ou les pitreries de son dernier petit-fils, que j'adore aussi bien sûr. Elle venait de passer le week-end avec ma soeur.

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En fait, son attitude me blesse, j'ai l'impression de passer après les autres, qu'elle m'aime moins. Il y a sûrement plusieurs raisons à son comportement. Adolescente, je n'ai pas été tendre avec elle, j'étais la rebelle, celle qui était impolie, celle qui voulait toujours sortir. Adulte, je suis celle qui la bouscule un peu, qui lui parle un peu plus franchement, elle n'aime pas ça. Souvent elle me dit :

"Quand je me plains, tu ne dois pas me dire de m'arrêter. Tu dois m'écouter et me chercher à me comprendre."

Alors, j'ai arrêté d'être dure avec elle et je la laisse dans ses plaintes, ses angoisses, ses colères. Souvent elle se noie dans un verre d'eau. Une autre raison possible, "loin des yeux, loin du coeur". Elle me voit moins, donc nos liens se distendent. Et puis enfin, je suis celle qui l'aide le moins par rapport à ma fratrie. Ma soeur aînée et mon frère sont très présents pour ma mère, ils sont très bons. Avec le mari de ma soeur aînée, ils cherchent toujours des solutions pour lui rendre la vie plus facile. Ma petite soeur et son mari la prennent souvent le week-end et en vacances. Moi je fais moins pour elle, j'avais déjà les jumeaux, donc pas facile d'être disponible, puis PN qui commençait à m'écraser et après j'étais seule avec mon travail et mes enfants à élever. Quand j'ai fait un travail sur moi-même, j'ai arrêté d'être envieuse, et je me suis dit que si ma mère avait une belle relation avec eux, eh bien c'était une bonne chose. Ensuite, j'ai pensé qu'elle m'aimait un peu quand même, puisqu'elle m'avait donné des sous quand je me suis installée à Renens et qu'elle me téléphonait souvent. J'ai accepté cette différence de traitement et je lui pardonnais. Je me disais "c'est comme ça, ce n'est pas grave. C'est bien pour eux"

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Durant la séance je racontais également quelques récentes anecdotes d'amis qui ne m'avaient pas appelée alors qu'ils sortaient, je disais que ce n'était pas sympa, que cela me chiffonnait mais que cela ne faisait rien, car ils n'étaient pas obligée de m'aimer. J'avais arrêté d'avoir besoin d'être aimée, je m'en foutais. Alors le psy m'a encore une fois redirigée vers ma mère. Pour lui, ces histoires sont des résonances de la relation à ma mère. J'ai repris l'histoire avec mes frère et soeurs et pendant que je disais que cela ne m'affectait pas, les larmes sont montées et j'ai beaucoup pleuré. Mes émotions étaient complètement en paradoxe avec ce que je verbalisais ! j'ai pleuré. Le psy est resté en retrait et m'a laissée faire. Cela a duré plusieurs minutes. Puis je suis restée silencieuse. Le psy aussi.

Nous touchions du doigt un noeud essentiel de mon être. En outre, en début de séance, j'avais fait un lapsus, j'avais dit : "j'ai besoin d'avoir de l'affection pour ma mère" alors que je voulais dire le contraire. J'étais effarée par la puissance du mental, la puissance de la capacité que l'on avait à se mentir. Le fossé entre le verbe et les émotions. C'était comme si je disais "je vais bien" tout en pleurant. Le pire, c'est que je me croyait honnête ! Je prétendais pardonner, ne pas avoir de haine ni de colère. Ce n'était pas vrai du tout. Cela me donnait l'apparence avantageuse d'être magnanime et forte. Je me leurrais.

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C'était une sacrée belle victoire car l'inconscient venait de s'exprimer. La chape de plomb venait de se fissurer. 

Et alors j'ai parlé de mon pardon à PN que j'érigeai telle une belle dame au grand coeur. Mais ce n'était que du verbe. Et j'ai laissé les émotions remonter. J'ai dit ma haine de PN. J'ai dit combien il m'était pénible le soir, après le travail, de faire la popotte dans la cuisine, alors que PN se plantait à côté de moi pour me dire ses horreurs. Mais je devais l'ignorer, faire comme si de rien n'était d'abord pour ne pas lui accorder d'importance, ne pas lui montrer que j'avais peur de lui, ensuite car je ne voulais pas alarmer les enfants en restant forte. Ce doit sûrement être la raison pour laquelle j'ai mal au dos depuis un an, à ne pas pouvoir sortir de mon lit le matin ! Je me raidissais, je me robotisais, j'enfilais mon armure de chevalier.

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Le psy a dit que je m'autorisais enfin à me soulager.

Voila pourquoi depuis si longtemps (voir mes notes en 2012 puis début 2013) je me sentais vide et froide comme un robot. Que je n'arrivais plus à ressentir aucune émotion, positive comme négative. Je m'autorisai enfin à me parler vrai. Et à laisser sortir mes vraies émotions.

Oui, vivre si longtemps sous le joug de PN a été difficile, brutal, violent. Cela m'a détruite. Il m'a fait du mal. Et je lui en veux pour ça. En réalité je ne lui pardonne pas. Je lui en veux. J'ai pleuré doucement en hoquetant, ma tête entre les mains. J'ai tout laissé sortir. La séance a duré plus longtemps qu'à l'habitude. Le psy m'a laissé tout mon espace et tout mon temps. Ce psy si froid a réussi à m'aider

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J'ai aussi parlé de la solitude. Cet été je suis restée seule un mois à Rennes. Je me suis enorgueillis que cela me convenait bien, que je supportais bien la solitude. En réalité, j'avais fait une soirée où j'ai assisté seule à un concert, puis je suis allée m'acheter des sushis chez le traiteur et que j'ai mangés seule sur les marches de l'opéra dans le noir à 22 heures en attendant les festivités d'après, et je suis allée assister à un spectacle de sons et lumières au Parlement de Bretagne seule. Jusqu'à 23 h. Le soir, dans mon lit, je me suis effondrée en larmes sans savoir pourquoi.

 

 

A suivre

 

Commentaires

  • Si tu savais ce que cette note me parle !!!!!
    Je t'enviais cette "froideur", ce "pardon" envers pn, cette "absence d'émotions"... Je pensais que tu étais plus avancée que moi dans le travail de psychanalyse... en fait non, tu en es maintenant au même point que moi...
    Comme il est difficile de réaliser que nos parents ne nous ont pas suffisamment armé face à la vie et que cela nous a conduit droit vers un pn (je fais sciemment des raccourcis là...).
    En ce qui me concerne, je suis dans la colère. Je m'explique. Je ne pardonne pas à Machiavel ce qu'il m'a fait mais je le remercie car sans cette histoire je n'aurais pas trouvé l'origine de mon "mal être", et toute la colère que j'avais contre lui est maintenant reportée sur le véritable protagoniste de tout cela : mon père... Mais tu devrais voir cela !!! Ma colère est décuplée dès que je suis en sa présence et je suis d'une agressivité que je ne me connaissais pas, et lui non plus !!! Enfin, je pourrais écrire trois pages à ce sujet !!! donc j'arrête. Continue surtout !!! tu es sur le bon chemin (je persiste et je signe) Patou

  • Alors cela veut dire que tu sais maintenant où diriger ton analyse. Il faut aller chercher le mal / les maux à sa / leur source.
    J'ai compris que traiter les différentes variations de nos maux originels ne sont finalement que perte de temps.

  • Tout ce que tu écris ne m'étonne pas. Je crois que nous nous mentons tous à nous-mêmes très souvent. Sans le savoir la plupart du temps. Tu as l'air d'être tombée sur le psy qui te convient et qui t'aide. S'agit-il d'un psychanalyste ? Dommage que ce soit si loin. J'y enverrais bien ma fille. Mes filles même. Moi aussi j'aurais d'ailleurs quelques nœuds à défaire !

    Bises

  • Je ne sais pas quel courant de psy il est mais il est bien.

    Ce qui m'étonne le plus c'est que même cherchant la Vérité et acceptant toute forme de vérités (désolée je ne trouve pas de synonyme), l'être humain que je suis arrive à cadenasser son cerveau et à se mentir à ce point. Il paraît que c'était un réflexe de protection.

    Il y a un film comme ça, où dans la vie le mensonge n'existe pas. Puis un homme se rend compte qu'il peut manipuler les gens positivement ou négativement en ne disant plus la vérité. C'est assez drôle.

  • Quelle note moi elle me bouleverse . ... Bises

  • Si elle peut t'aider à avancer ou bien identifier des éléments essentiels de ton histoire, alors je suis contente.

  • Bonsoir Lola,
    Comment te dire ? Tu viens d'éclairer plein de choses en moi. Notamment, le désamour de ma mère. Il est vrai néanmoins que ma soeur est mille fois plus caressante que moi. L'abandon de mon père. Le besoin d'être aimée. La solitude aussi. J'admire la justesse de tes notes et le travail énorme que tu fais sur toi même. J'espère suivre ( de loin) ta voie. Bisous

  • Merci Psyché.
    Je pensais me rapprocher de la Vérité alors que j'en étais à cent lieues. Mais finalement, chaque pas compte. L'important c'est de toujours avancer.

    Toi aussi tu fais le chemin. Et tu es très courageuse. Et très honnête envers toi-même. Je t'admire.

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