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L'après-PN - Page 5

  • Le craquage

    Nous sommes mercredi 18/0/12. Il est 6h30 du matin.

    Lundi soir (16/04/12), j'ai craqué.

    Je traînais toujours cette tristesse lancinante, cette inquiétude intérieure, cette déprime presque. J'avais cette lourdeur dans le coeur et cette peine qui me figeait le visage. Après ma note précédente, j'ai continué de me senti triste et de pleurer. J'essaie d'en trouver les causes, je les liste mais je ne sais pas si elles sont correctes. Elles concernent les études, ma situation de femme seule avec 3 enfants et le retour prochain à "ma Ville", et aussi sûrement une grande fatigue.

    Les causes inconnues

    Il y a la date des concours qui se rapproche dangereusement. En effet, la vie des étudiants est rythmée par les grands oraux, les concours blancs, les inscriptions au concours actuellement, etc. Nous avons tous en tête les dates fatidiques. J'arrive dans la seconde moitié de mes 6 mois à Rennes, il va falloir songer au retour, reprendre le travail dans mon établissement ou un autre - encore une incertitude. Je sais qu'à mon retour en juillet, PN ne sera plus dans la maison, le jugement du TGI l'enjoint de quitter le domicile, sous peine d'action policière. Je stresse à l'idée de retourner dans cette maison chargée d'ondes négatives et où j'ai vécu les pires années de ma vie. Il y a aussi le fait que je ne me sens pas prête pour les cours et les révisions. L'équipe pédagogique nous avait bien avertis depuis le départ que le mois le mars était généralement sujet à de grands questionnements et de dépressions, car le moral des étudiants était en dents de scie - c'est vrai, j'en ai parlé avec mes camarades - et l'arrivée des beaux jours contraste fortement avec les contraintes de travail des étudiants. Et puis, en plus de ça, être une femme seule avec 3 enfants commence à me peser.

    Les services sociaux

    Les enfants et moi sortons en ville et utilisons des tickets de transports que j'achète par carnet de 10. L'Aînée me dit depuis des semaines de prendre une carte et de me renseigner pour voyager gratuitement. Quand j'avais découvert par hasard le centre communal d'action social (CCAS) le 29 ou 30/12/11 à mon arrivée, je m'étais renseignée déjà, mais la gratuité des transports était sous conditions de ressources. PN gagnant très bien sa vie et étant encore mariés, je m'étais dit que ce n'était pas possible. J'avais laissé tomber et oublié jusqu'à ce que l'Aînée me tanne. Je profité d'une après-midi sans cours, vendredi dernier sans les enfants, pour retourner au CCAS. La personne qui m'accueille confirme que j'y ai bien droit étant donné que j'étais séparée et que je vivais seule. J'avais dû expliquer mon parcours, mon arrivée à Rennes, le divorce, la formation, etc. Replonger dans le détail de ma vie m'avait bouleversée. J'ai versé des larmes silencieuses devant la dame. Elle m'a conseillé de faire une demande de RSA et d'APL car j'étais peut-être éligible.

    Dans la foulée, je vais à la caisse d'allocations familiales (CAF) qui est dans le même bâtiment. L'agent calcule mes droits et me donne une tonne de feuilles à remplir. J'aurais pu entreprendre toutes ces démarches depuis janvier, mais je n'avais pas du tout la tête à cela. Et puis me dire que partant d'une situation professionnelle, financière et sociale qui avait progressé et s'était stabilisée, me retrouver en situation d'incertitudes et de précarité, et de bénéficiaire de l'aide sociale m'a fait l'effet d'une grande claque. Et aussi un sentiment d'échec.

    La déprime

    Malgré une sortie le vendredi soir dans un centre bouddhique pour méditer et un resto avec ma copine Véro, mon mal-être était encore là. Et malgré les appels de Véro pour manger ensemble au campus le week-end avec d'autres élèves, j'avais préféré rester seule dans ma tanière.

    Lundi, une semaine après avoir reçu un SMS de mon psy, je lui ai répondu que pour ces vacances-ci, je ne rentrais pas dans ma Ville. Il m'a répondu ceci :

    " N'hésitez pas à me dire ou à m'appeler pour me dire ce qui se passe pour vous. Je serai là pour vous."


    Cette dernière phrase m'a fait m'effondrer et beaucoup pleurer. Je me sentais alors très seule et que j'avais besoin d'aide. Je sentais un grand manque, d'une personne de confiance sur qui je pouvais m'appuyer. Est-ce qu'on doit être deux pour affronter les difficultés de la vie et en même temps profiter de celle-ci ? Jouer à la femme forte, super-woman et warrior ne dure qu'un temps.

    Je passe le lundi entre mon studio et l'école pour faire signer des documents pour la CAF, je rencontre des difficultés pour les signatures car nous sommes en période de vacances. Le soir je dîne à la cantine avec Rosy et sa fille et d'autres camarades, tous Antillais ou Africains. Nous plaisantons et rions beaucoup. Pour le dessert, je les quitte et rejoins un autre groupe, avec Véro et des personnes rencontrées l'année dernière lors de la pré-prépa. Je ris aussi avec elles en parlant des cours, mais lorsque je me retrouve seule avec l'une d'elles, les autres s'étant levées pour ranger leurs plateaux-repas, je m'effondre encore. MF, voyant mon désarroi, me propose de prendre un café.

    Nous nous asseyons dans un coin de la cafétéria, il est 20 heures, elle est vide. Véro nous rejoint. Et là, je parle et je parle. Je pleure. Je me laisse aller. Grande fatigue. Grande lassitude. Trop de choses à porter. Trop d'incertitudes. Trop de maltraitances subies. Je décompense*. Au cours de la conversation, je vais mieux. Mon coeur s'allège et mon visage retrouve des couleurs.

    * Le corps mobilise des ressources ou des processus pour rééquilibrer / compenser une traumatisme / un dysfonctionnement d'un organisme malade ou du mental. La décompensation est la rupture de cet équilibre.

  • Note synthétique - 14/04/12

    J+109

    Je dois avoir 5 ou 6 notes préparées en attente de finalisation et de publication. : une sur mes sorties, une autre sur la décision du juge, une sur la suite de la contrariété avec PN, une autre sur mes états d'âme, etc. Mais je ne dispose pas de beaucoup de temps avec ma formation.

    Je me souviens qu'avant, quand je vivais encore sous le même toit que PN (mon futur ex-mari appelé pervers narcissique), j'écrivais dans une sorte d'urgence et de nécessité, en "direct live", parfois sous son nez alors qu'il était debout dans la cuisine ou dans le salon à me proférer ses menaces et ses insultes. Il était vital pour moi d'écrire et d'écrire encore, pour témoigner.

    Ecrire

    En y repensant aujourd'hui, je crois qu'il s'agissait plutôt de me sauver la vie, de me protéger. Plus qu'une démarche thérapeutique, il s'agissait davantage d'un mouvement de protection. Le corps et le cerveau humain déploient de drôles de façons de se défendre ! Face aux pluies de violence de PN, deux options : soit je craquais et je sombrais, soit je me mettais en retrait pour ne pas être affectée. En effet, j'avais pris l'habitude de décrire les faits comme dans un journal intime. Et il me semble aujourd'hui que cela me protégeait sous différents aspects. Tout d'abord, j'étais devant mon écran d'ordinateur (écran = protection) ; ensuite me concentrer pour écrire accaparait mon attention de sorte que PN devenait secondaire et enfin cela mobilisait mon cerveau et non mon affect. Ces moments d'intellectualisation des accès de violences m'avaient certainement permis de tenir et de les supporter.

    Pleurer

    Cela signifie aussi que la peur était quand même là, enfouie, déplacée, cachée quelque part. Je pleure encore en écrivant cela. Je suis seule depuis une semaine comme les enfants sont partis avec leur père en vacances, ils devraient rentre en France aujourd'hui. Je crois que je n'avais pas laissé à ma peur (ou autre chose, je ne sais pas quoi) l'opportunité de s'exprimer.

    J'ai pris quelques moments pour regarder des films sur mon ordinateur, après les périodes de concours blancs particulièrement épuisants. J'ai éclaté en sanglots à plusieurs reprises à certaines sections de certains films. J'ai regardé Contagion avec Matt Damon, dans ce film une pandémie mortelle menace la planète, chaque personne présente le risque d'être contaminé et contagieux, un père et sa fille sont retranchés. L'adolescente rencontre en cachette son petit ami qui risque de la contaminer, le père surgit attrape le jeune garçon et le chasse. Il fait ensuite rentrer sa fille à la maison. Cette scène m'a bouleversée, j'ignore si c'est le besoin d'avoir un homme qui nous soutiendrait mes enfants et moi ou - j'y ai pensé longtemps après - si de voir ce père chasser l'amoureux de sa fille, potentiellement dangereux, ne portait pas une valeur symbolique évidente.

    J'ai aussi regardé Prémonitions avec Nicolas Cage, un film de fin du monde annoncée. Je ne me souviens plus quelle scène m'a complètement fait craquer. J'ai aussi regardé Drive avec Ryan Gosling. Outre que le film est d'une saisissante beauté, les moments heureux et simples avec sa petite amie et le fils de celle-ci et la scène où il lui promet d'être aux petits soins pour elle m'ont beaucoup retournée.

    Cela faisait plusieurs jours que je traîne une tristesse lancinante, un mal-être indescriptible. La semaine est prise par les cours intenses et fatigants, en fin de semaine je sors parfois avec mes camarades et nous passons des soirées délirantes. Mais entretemps, c'est tout autre chose. Je me sens encore comme à cette période de janvier, à J+12. Quelquechose doit être guéri. Je sais bien que le traumatisme est encore là. Il va me falloir encore du temps. Je pensais que cela passerait bien plus vite et bien plus facilement.

    Je n'écris pas tout cela pour me faire plaindre. J'analyse la situation et je constate. Je pense à toutes ces femmes ou hommes qui sont dans ma situation ou qui sont encore sous l'emprise de leur PN, ou qui vont bientôt l'être. Et cela me rend encore plus triste. Ils ne savent pas par quoi ils vont passer. Les médias parlent de plus en plus de ce phénomène dont la cause serait sociétale (l'impossibilité de supporter les frustrations engendrerait des pervers narcissiques) et la proportion de PN serait passée de 3% à 15%. Je pense à tous ces être humains dont la vie va être détruite. Combien vont pouvoir se relever, grandis ?

    La mémoire

    Le cerveau est étrange. Puissant mais étrange. Cela fait quelques jours que je m'inquiète sur la tournure de ma vie actuelle. Plus que jamais, rien n'est stable et fixe. Et on le sait bien, l'inconnu fait peur. Je pourrais voir la partie remplie du verre et me dire que c'est justement une opportunité incroyable d'avoir la possibilité à 40 ans de tout reconstruire et de tout changer ! Mais ce n'est pas le cas.

    Du coup, je repense au passé. Ce n'est pas que je m'y raccroche à tout prix, mais j'y repense, voilà tout. En 2009, j'étais heureuse au travail. Le week-end, je fuyais PN, je sortais. Sa dangerosité n'était pas aussi criante qu'aujourd'hui, sa perversité était à moitié endormie et encore supportable. J'allais faire des courses avec les enfants, j'allais manger chez ma mère, ma soeur. Je jardinais, je peignais, je tricotais, je cousais. Je pouvais occulter les dénigrements de PN, car il criait tout le samedi et se calmait le dimanche, avachi dans le canapé . Il suffisait de passer le samedi.

    Aujourd'hui, je suis seule. Seule à porter mes enfants. A porter ma vie. Parfois je ressens du découragement. C'est la raison pour laquelle je repense au passé. Sauf que mon cerveau a oublié l'horreur que j'ai traversée. Je suis contente d'avoir ouvert ce blog pour tout retranscrire de mon vécu, de la violence que j'ai rencontrée et que j'ai dû endurer. Ne pas oublier. Parce que c'est vraiment arrivé.

    Pour aller bien, il faudrait que je parvienne à voir le bon côté des choses. Je me suis donné la chance de reconstruire ma vie. De tout changer. J'ai franchi de très nombreux obstacles. Je le sais. Il ne faut pas que je flanche maintenant. Avoir confiance. Garder confiance. C'est une course d'endurance.