Dimanche 13 octobre 2013
Le matin du mercredi 9/10/13, le jour de mon départ pour Paris, j'étais stressée. Avant je ne stressais plus jamais. Mais maintenant j'ai plus de mal à me raisonner. Il faut absolument que je me maîtrise et que j'aie davantage confiance en moi. Comme avant. Avant tout cela.
Avant je croyais en moi. Les entretiens de recrutement étaient un exercice que j'adorais. Je savais que j'étais douée, que je plaisais car j'étais agréable et souriante. Ce mercredi je ne sais pas pourquoi, mais je suis complètement nouée. Angoissée à l'avance de l'état de fatigue dans lequel je serai, surtout le vendredi 11/10/13 avec 3 entretiens dans la même journée !
L'angoisse
Je me suis occupée de tout, j'ai fait les courses la veille pour les enfants, j'ai contacté 4 personnes pour les surveiller, notamment J-Phi qui s'est engagé à les emmener manger au self le soir. C'est un vrai ami sur qui je peux compter ! La valise est prête, les dossiers de recrutement aussi, j'ai imprimé tous les renseignements sur chaque établissement, l'historique, le nombre de lits, les projets, etc. Le matin j'ai pris ma journée. j'ai bien fait car l'avant-veille j'avais explosé le frigo, du coup j'étais livrée ce matin-là. J'ai dû vider et nettoyer l'ancien frigo, jeter les nourritures dégradées, laver le sol et faire fonctionner le nouveau. Toute cette agitation m'a fait oublier mon stress. Ensuite j'ai juste eu le temps de grignoter un reste de riz et de prendre le bus pour la gare. Le matin j'avais embrassé bien fort mes enfants.
Agitations parisiennes
Dans le TGV je travaille encore les questions éventuelles des recruteurs, puis je dors en prévision de la fatigue. Arrivée à Montparnasse, puis à Châtelet, je traverse les longs couloirs de métro avec les tapis roulants. Je suis crevée déjà. Pas dormi de la veille. J'arrive en avance, je me rends aux toilettes où je me rafraîchis, ôte mes Converses et enfile des escarpins rangés dans mon cartable. Tailleur pantalon et un petit chemisier imprimé.
L'entretien N°1 se passe normalement, les 2 recruteurs sont agréables, exigeants ; le poste très dur. Je ne me suis pas présentée sous mon meilleur jour, trop fatiguée. Quand j'entends la phrase :" on vous répondra la semaine prochaine", avec ce ton si spécifique, je comprends que je ne suis pas retenue. c'est inhabituel car il y a quelques années, dans le privé, j'étais toujours retenue sur les entretiens, à 100%. Aujourd'hui je suis plus vieille et le niveau de fonction plus élevé.
En arrivant à la gare, devant la machine à billets, je ne sais quelle destination choisir. Je n'ai pas vraiment envie de rentrer chez moi seule. J'appelle ma soeur aînée, qui peut évidemment m'accueillir. Cela doit faire 6 mois que je ne l'ai pas vue, peut-être même 10. Et aussi mes nièces et mon beau-frère. Et comme elle est bonne cuisinière, il y aura sûrement de bonnes choses à manger, plutôt qu'une boîte de raviolis qui traînerait dans ma cuisine. Effectivement, le menu du soir est un apéro de toasts d'escargots aillés et persillés avec un vin blanc avec des bulles !, puis un bouillon de poule avec des vermicelles, une poule au pot avec ses légumes d'hiver, du fromage et une tarte aux prunes maison. Et bien sûr le tout arrosé d'un bon vin rouge. Les enfants discutent, font leurs devoirs, le mari lit et bavarde avec sa femme. Tout cela est bien éloigné de mon quotidien. Après une bonne nuit, le lendemain ma soeur me dépose chez moi.
Les rues de ma ville me semblent familières mais en même temps, elle me sont repoussantes. J'imagine la vie triste et ennuyeuse que j'y aurai en comparaison avec ma vie rennaise. Puis ma maison me fait le même effet, une familiarité mais sans plus. Elle a le mérite d'être confortable, en comparaison avec notre minuscule appartement du campus. J'ouvre les fenêtres pour aérer, je déballe ma valise dans laquelle j'avais rapporté des vêtements d'été que je n'allais plus porter désormais. Il n'y aura pas d'année 2014 à Rennes. Je regarde les lits des enfants et je les y imagine dedans, je m'attendris. Je m'installe dans le salon et commence à relire les particularités des établissements et préparer les entretiens suivants. Je mange de bricoles puis très vite il faut aller à l'entretien suivant. Il n'a lieu qu'à 16h mais le bus ne m'y conduit pas directement, j'aurais plus d'un km à pied ensuite.
L'entretien N°2 se passe très bien. J'ai 30 mn d'avance et visite les lieux, l'endroit est magnifique. La nouvelle directrice (1 mois de prise de fonction) est une petite jeune femme qui semble hyper intelligente et hyper speed. Cela ne m'effraie pas, j'ai souvent travaillé avec ce genre de personnalité. Elle a des projets pleins la tête et veut m'y associer, elle trouve mon profil très intéressant, j'ai de l'expérience, je sors d'une grande école de santé publique. Devant moi, elle contacte 3 directeurs afin de négocier mon recrutement puisque son établissement, pour des raisons procédurales, ne peut me recruter directement à la sortie de l'école. Il y a une quantité monstrueuse de travail à abattre, mais je pourrai faire des heures puisque c'est juste à côté de chez moi.
Quand j'ai fini m'entretien, j'appelle Inge qui vient me chercher en voiture. Nous passons boire une bière chez elle, elle m'offre un bracelet et un porte-clefs marqués "BZH", comme elle sait que j'adore la Bretagne. Vers 21h nous filons dans un restaurant asiatique. Inge me fait promettre que nous sortirons ensemble quand je rentrerai, car ce n'est pas facile pour elle de sortir avec ses amies mariées. Le soir je prépare mes vêtements du lendemain, je choisis mon chemisier rayé bleu ciel avec le col et les manches blanches, façon financière.
Le lendemain, pour l'entretien N°3 je me lève tôt et pars avec beaucoup d'avance. bien m'en a pris car il y a une grève du RER ! Finalement j'arrive pile à l'heure. L'entretien se déroule très bien, j'ai une entente formidable avec le recruteur qui sera mon N+1 direct. Il est rennais d'origine. Je mets ma main à couper qu'il me mettra n°1 sur la liste de son choix de candidats parmi ma promo.
Je pars à l'entretien N°4 à 2 lignes de métro de là, je me pose dans un Macdo, je ne mange peu car je suis nouée. L'entretien commence très mal. J'attends depuis 30 minutes dans le couloir quand une femme sort de son bureau et me lance au loin : "On y va ?". Elle ne se présente pas, ne me demande pas mon nom. Je m'installe en face d'elle à son bureau en posant mes affaires sur un meuble rempli de dossiers.
Moi : "Vous permettez que je pose mes affaires là ?"
Elle : "Bah oui, puisque je vous ai dit de vous installer !"
Elle est mon N, pas N+1. Elle me gonfle déjà. Elle se la pète. Je réponds à ses questions avec le visage fermé et le corps contracté. Je ne l'aime pas. Elle est un très mauvais recruteur, qui ne respecte pas les candidats. Elle commente mes réponses et me dit ce qu'elle aurait voulu entendre, me félicite quand je réponds bien. J'ai l'impression d'être à l'émission "Questions pour un champion".
Elle : "Bon, vous m'avez donné la meilleure réponse jusqu'à présent, parce les réponses de certains de vos camarades étaient vraiment à chier (sic !)."
J'ai failli tomber de ma chaise. Pauvre fille. C'est dommage car le poste me plaît vraiment bien. A la fin de l'entretien, elle me dit :
"J'ai 2 candidats favoris et vous n'en faites pas partie."
Prends ça dans ta g*eule. Je sors dépitée et contente de partir de là le plus vite possible.
Je reprends le métro puis le tramway pour l'entretien N°5. A chaque fin d'entretien, je me fais mentalement un trait comme ceux que l'on fait dans le prisons pour compter les jours avant la quille. J'arrive avec 1h30 d'avance, je m'arrête prendre des abricots secs pour avoir du sucre rapide. Mais en même temps, je suis barbouillée. Je suis extrêmement fatiguée, je me pose dans un relais H, je relis quelques notes et m'endors assise durant 10 minutes. Au réveil, je me sens beaucoup mieux. Je me lève et pars à l'entretien, la tête encore ensommeillée.
Avant d'aller aux RDV j'avais croisé une camarade qui me conseillait de faire comme si chaque poste auquel je me présentais était celui que je voulais occuper depuis toujours. Il me fallait décrocher un poste, c'est-à-dire figurer dans les 3 premiers candidats sur une ou plusieurs listes des recruteurs. Sans quoi il me faudrait candidater dans des établissements en province, du genre la Creuse. Effectivement, ces conseils sont bienvenus car récemment, quand je suis allée en septembre à un entretien d'embauche, j'avais baissé la garde avant la fin du RDV et c'est un autre qui a été retenu.
Ce poste-ci me semble au dessus de mes capacités, il fallait encadrer une équipe de 17 personnes, entre autres choses. Un camarade étant déjà passé en entretien nous avait averti que ce poste était réputé difficile, réalité ou stratégie pour décourager les concurrents ? Je m'étais dit que j'allais sûrement me faire démonter, mais que je tiendrais bon et que je leur dirais que je n'étais peut-être pas le bon candidat tout simplement ? Mais il fallait absolument décrocher un poste.
Les deux directeurs qui me reçoivent sont assez jeunes, souriants et décontractés. Il était 18h, tout le monde était crevé. Ils regardent le document que j'ai entre les mains et m'informent que finalement il s'agissait d'un autre poste, moins large et avec une équipe de 2 gestionnaires et une secrétaire. Les questions pleuvent.
Êtes-vous capable de ...?
Oui, bien sûr, j'ai une expérience en...
Avez-vous déjà .... ?
Parfaitement, j'ai exercé la fonction de ...
Que feriez-vous si ... ?
Eh bien, au vu de mon expérience et de ma connaissance de la situation, voici la stratégie que j'appliquerai...
Bref, je savais tout faire. Mentir. Il me fallait mentir pour ne pas me retrouver quelque part en province. Puisqu'il n'y avait pas de poste à Rennes et qu'il me fallait rentrer à Paris pour la continuité de la scolarité des enfants. Je n'aime pas balader les gens, mais là il le fallait. Sur chaque poste, nous sommes environ 10 candidats de la promo, il fallait sortir du lot.
"Merci d'être venue. Nous allons vous recontacter au plus vite pour vous donner une réponse."
Bla bla bla. Je connais cela par coeur.
Je repars dans un tramway bondé, appelle mon ancienne collègue pour lui donner RDV à la gare. J'y arrive 45 mn plus tard et nous roulons vers le restaurant où nous dînerons avec nos chefs. Joie de les revoir. Cela doit faire bien un an depuis la dernière soirée en décembre 2012, pour fêter ma réussite au concours. Je remarque que je me positionne quasiment comme une égale vis-à-vis d'eux et non plus comme leur secrétaire. Toute la soirée j'ai très mal au ventre, suite du stress certainement ou bien trop de chewing-gums.
Ma collègue me ramène vers minuit. J'allume mon ordinateur, consulte mes mails et découvre un message de la DRH de l'établissement N°5 :
Madame Lola,
Suite à notre entretien de ce soir, j’ai le plaisir de vous informer que nous avons retenu votre candidature sur le poste de XXXX de l’hôpital XXXX.
Je vous remercie de me communiquer votre décision, en espérant que nous vous aurons convaincue de rejoindre notre établissement en janvier 2014.
Je suis interdite, je ne pensais pas avoir fait si bonne impression. Je suis si excitée que je ne parviens pas à m'endormir avant 2h du matin.
Vers 15h, alors que je me trouvais dans le métro, l'établissement N°2 m'informe qu'ils renoncent à ma candidature car la démarche est spéciale et trop compliquée (j'avais une stratégie d'embauche hors procédures)
Le lundi suivant, je téléphone aux établissements N°3 et N°4 pour connaître leurs décisions et faire un choix éventuellement. Le N°4 avec l'horrible recruteuse ne m'a pas retenue, en discutant quelques jours plus tard avec plusieurs camarades, il semblerait que - arrivée depuis 6 mois seulement - elle rechercherait un jeune sur qui elle aurait du pouvoir, de fait elle a choisi un jeune de 25 ans. Ce n'est pas pour me dédouaner mais j'avais largement les compétences pour tenir ce poste que je convoitais réellement. L'hôpital N°3, le directeur avec qui je me suis vraiment bien entendue, a choisi de confier ce poste à une débutante, car il me trouvait sur-dimensionnée et craignait que je ne m'y ennuie. Effectivement les missions me rebutaient (secrétariat de haut niveau) mais au moins c'était facile d'accès en transports en commun et l'établissement était assez prestigieux.
Le mardi je m'apprête à accepter officiellement mon poste quand je reçois un courriel du groupe hospitalier N°1, où je trouvais ne pas m'être assez bien défendue. Le directeur, un homme que je connaissais et qui était reconnu pour être très compétent et très structuré, m'informe qu'il me positionne en N°2. Quelle marque de confiance !!! Je n'en reviens pas.
C'est bon pour l'égo tout cela. Parce que oui, bien que je travaille à réduire mon égo, il faut aussi savoir apprécier les marques de reconnaissances. Pour ce qu'elles sont sans s'en glorifier outre mesure. Je me suis sentie fière.